Le développement social


Les politiques sociales au Maroc

Etat des lieux
Sommaire:

 Introduction générale
Première partie : Analyse des secteurs sociaux

1. Les efforts de généralisation de l’enseignement fondamental : la Charte nationale d’éducation –formation

1.1. Les principaux axes de réforme de la Charte d’Education/Formation

1.2. Le calendrier de généralisation de l’enseignement fondamental

1.3. Le financement de la charte

2. Les politiques menées dans le domaine de la santé publique

2.1. L’offre de soins de santé

2.1.1. Les ressources du système sanitaire

Une nette amélioration des indicateurs sanitaires

2.1.2. Les dépenses de santé

2.2. Les réformes futures

2.2.1. L’assurance maladie obligatoire

2.2.2. Le régime d’assistance médicale

2.2.3. L’Agence Nationale d’Assurance Maladie : Institution d’encadrement de la couverture médicale de base

Les enjeux de la couverture médicale de base

3. Les politiques nationales de lutte contre la pauvreté

3.1. Les moyens « classiques » de lutte contre la pauvreté et l’exclusion

3.1.1. Les mécanismes d’assistance sociale

3.1.2. La protection du pouvoir d’achat des populations défavorisées

3.2. L’ « expansion » des programmes de lutte contre la pauvreté

3.2.1. Le Programme des Priorités Sociales

3.2.2. La scolarisation, la formation et la promotion de l’emploi

3.2.3. La santé et la couverture médicale

3.2.4. La protection du pouvoir d’achat

3.2.5. L’amélioration des conditions de vie

3.2.6. Les nouvelles mesures institutionnelles de lutte contre la pauvreté

3.2.7. Emergence de la société civile

4. Les programmes d’amélioration des conditions de vie des populations rurales

4.1. Progression significative de l’accès à l’eau potable en milieu rural

4.2. Les efforts de désenclavement en milieu rural

4.3. Vers la généralisation de l’électrification rurale

5. La stratégie de lutte contre l’habitat insalubre

5.1. Les fondements de la stratégie

5.2. Le programme physique

5.3. Le cadre juridique
Deuxième partie : La problématique de l’emploi

6. La situation de l’emploi

6.1. Caractérisation de l’emploi

6.2. Le chômage

Les femmes et les jeunes plus vulnérables au chômage
6.3. La croissance économique et l’emploi

6.3.1. La corrélation entre la croissance et l’emploi

6.3.2. Quelle croissance pour réduire le chômage ?

7. Les mesures nationales de promotion de l’emploi

7.1. La formation des ressources humaines

7.2. Les mesures d’encouragement à l’auto-emploi


7.3. L’emploi dans le secteur public

7.4. La régulation du marché du travail

8. Les politiques réussies de réduction du chômage en Europe

8.1. La politique macro-économique

8.2. La politique de l’emploi

8.3. La politique sociale

8.4. Enseignements pour le Maroc
 Conclusion générale
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Les politiques sociales au Maroc

Etat des lieux




Le développement social a toujours fait partie des préoccupations des pouvoirs

publics. Depuis quelques années, sous l’impulsion des plus hautes autorités de l’Etat, il a pris

une nouvelle dimension pour parer aux déficits sociaux importants.

Le présent rapport dresse l’état des lieux des politiques sociales menées au cours des dernières années. Il constitue une première étape vers une évaluation future de ces politiques au moyen d’instruments de mesure d’impacts en cours de construction.

Ce rapport comporte deux parties. La première est une étude des secteurs sociaux de l’éducation, de la santé, de la lutte contre la pauvreté et des infrastructures de base. deuxième est consacrée à la problématique de l’emploi.

L’ampleur des déficits sociaux, aggravés par les restrictions budgétaires du Plan d’Ajustement Structurel, a exigé une expansion des programmes publics à caractère social. En témoigne la part du budget de l’Etat accordée à ces domaines qui est passée de 39% en 1993 à plus de 47 % en 2002.

Ces programmes s’articulent essentiellement autour de l’élargissement de l’accès des populations à l’éducation, aux soins de santé et aux infrastructures de base.

Etant donné le déficit important au niveau des indicateurs de l’éducation et de

l’alphabétisation, la généralisation de l’enseignement constitue un des plus importants chantiers sociaux actuels. Absorbant une part importante du budget de l’Etat avec des résultats en deçà des espérances, le secteur fait l’objet d’une réforme régie par la Charte de l’Education-Formation adoptée en janvier 2000, et qui devrait aboutir à la généralisation de l’enseignement des enfants de 6 ans en 2003.

Cette réforme, qui concerne l’ensemble du système d’éducation et de formation, nécessite des moyens financiers notables. La Charte prévoit à cet effet une participation  croissante des ménages et des Collectivités Locales à l’effort d’éducation. Le secteur de l’éducation bénéficie d’une part déjà importante du budget de l’Etat (21%) qui ne pourrait être augmentée, dans un contexte de rareté des ressources financières de l’Etat, sans nuire à d’autres secteurs prioritaires. Il s’agit donc d’adopter une gestion plus efficiente des crédits alloué0s.

Dans le domaine de la santé, l’action publique a permis d’améliorer sensiblement la situation, ce qui est démontré par l’évolution de l’offre publique de soins de santé et des indicateurs sanitaires. Cependant, l’action publique est inégalement répartie sur le territoire, et l’accès aux soins reste limité non seulement par l’offre mais également par le coût.

La problématique du financement de l’accès aux soins devrait en partie être résolue par l’extension de la couverture médicale de base. Une Loi cadre a été adoptée par le Parlement pour la création de deux systèmes d’assurance maladie : un régime d’assurance maladie destiné à couvrir les salariés des secteurs public et privé et des titulaires de pension ainsi que leurs ayants-droit, et un régime d’assistance médicale couvrant les populations défavorisées.

Le financement de l’assurance maladie se fera par les cotisations salariales et

patronales, ce qui pourrait augmenter le coût du travail au niveau des entreprises.
Les taux de cotisations devraient alors être fixés de manière à ne pas grever l’emploi.
Il pourrait s’agir par exemple d’un rééquilibrage entre les cotisations aux différents régimes de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, ou encore d’un système d’équilibre global entre cette caisse et le régime de prévoyance sociale du secteur public.

Pour l’assistance médicale des populations défavorisées, les coûts seront

essentiellement supportés par le budget de l’Etat et les Collectivités Locales. Une grande part du budget des hôpitaux bénéficie déjà aux malades démunis à travers la gratuité des soins, mais elle reste insuffisante pour couvrir l’ensemble des frais.

Partant de ce constat, les allocations à la santé méritent d’être augmentées. Elles pourraient provenir d’un meilleur ciblage des dépenses sociales en faveur des démunis, comme les dépenses de compensation des prix des denrées de base qui profitent plus aux personnes aisées de par leur plus grand pouvoir d’achat.

Outre l’éducation et la santé, le bien être de la population nécessite la garantie de conditions de vie décentes. Malgré les efforts publics dans les domaines sociaux, le taux de pauvreté est passé de 13% en 1990/91 à 19% en 1998/99, notamment sous l’effet de la succession de plusieurs années de sécheresse. Une nouvelle politique de développement social a été mise en place pour répondre aux déficits sociaux croissants.

En plus des actions « classiques » de lutte contre la pauvreté, comme la gratuité de l’enseignement ou de la santé et la compensation des prix des produits de base, d’autres mesures visent à améliorer les infrastructures de base et faciliter l’insertion économique des populations défavorisées telles que le renforcement des programmes d’alphabétisation ou l’institution du micro-crédit.

Les pouvoirs publics ont créé de nouvelles institutions pour appliquer et coordonner cette politique, notamment l’Agence de Développement Social qui doit renforcer le partenariat avec la société civile et le secteur privé. L’Entraide Nationale, qui offre des services de proximité au profit des personnes défavorisées, a fait l’objet d’une restructuration pour mieux cibler ses actions et les étendre vers le milieu rural et péri- urbain.

Concernant les infrastructures sociales, le Maroc a lancé, au cours des dix dernièreannées, d’importants programmes d’amélioration des conditions de vie, tant en milieu rural qu’en milieu urbain, dont les résultats sont perceptibles sur le développement humain.

En milieu rural, ces programmes ont ramené le taux d’accès à l’eau potable à près de 48% et le taux d’électrification rurale à 50% en 2001 contre respectivement 14% et 22% en 1995. Le rythme des réalisations sera accéléré à l’avenir grâce au succès des premières tranches et à l’adoption d’une approche participative qui a permis l’adhésion des populations à ces projets.

En milieu urbain, la lutte contre l’habitat insalubre a été activée par l’élaboration d’une nouvelle stratégie pour faire face à l’ampleur des déficits dans ce domaine au profit de 630.000 ménages.

Cette stratégie a vu le jour en janvier 2002, faisant appel à un partenariat renforcé entre l’Etat, les Collectivités Locales et les bénéficiaires. Ce programme devrait s’étaler sur dix ans et nécessite un investissement global de près de 29 milliards de dirhams.

Les infrastructures et services sociaux de base ont ainsi fait l’objet de programmes d’envergure qui ont permis d’améliorer significativement les indicateurs de développement humain. L’accès à ces services demeure cependant souvent tributaire du niveau de vie.
La garantie de sources de revenus est donc essentielle pour améliorer les conditions de vie et réduire les inégalités. Le travail constitue la source de revenu la plus répandue et un facteur de redistribution des richesses.

La croissance économique et l’emploi étant corrélés, l’insuffisance de la croissance au cours des dernières années a induit une progression notable du taux de chômage.

L’action des pouvoirs publics pour la lutte contre le chômage s’est souvent inscrite dans la création d’un environnement favorable à la croissance et aux investissements générateurs d’emplois. D’autres mesures de promotion de l’emploi directes ont été mises en oeuvre et ont concerné la formation des ressources humaines ou l’encouragement à l’autoemploi.

Les expériences européennes de lutte contre le chômage ont montré qu’il était

nécessaire d’élaborer une stratégie globale, combinant des politique macroéconomique, sociale et d’emploi appropriées au cas de chaque économie. Une croissance forte et durable, une réglementation du travail qui encourage la flexibilité et la compétitivité, et une formation adaptée sont les points communs à toutes les stratégies réussies de promotion de l’emploi.

Au Maroc, les mesures de promotion de l’emploi n’ont pas été intégrées dans une stratégie globale de lutte contre le chômage faisant participer les différents intervenants - systèmes de formation, partenaires sociaux, agents économiques. Devant s’appuyer sur des politiques actives en matière d’emploi qui complèteraient les réformes relatives à l’environnement des affaires, cette stratégie devrait se baser sur une évaluation précise des impacts des différentes mesures de promotion de l’emploi mises en oeuvre.

L’ampleur des chantiers à poursuivre ou à mettre en oeuvre dans les domaines sociaux requiert une contribution active de l’Etat, des Collectivités Locales, des entreprises et de la société civile au financement des différents programmes. Pour l’Etat et les Collectivités Locales, il faudrait poursuivre la rationalisation des dépenses publiques en vue d’une meilleure répartition des crédits et la coordination des programmes sociaux pour capitaliser les efforts de lutte contre les inégalités.



Introduction générale

Les politiques économiques mises en oeuvre se sont souvent attelées à améliorer le taux de croissance et autres indicateurs économiques. Or, la finalité de cette croissance est avant tout le développement social, à travers l’optimisation de la croissance et un meilleur partage de ses fruits.

Le développement social implique l’élargisseme nt de l’accès de la population aux infrastructures et services de base, tels que la santé et l’éducation qui permettent un meilleur accès à des sources de revenu suffisantes.

Au Maroc, la dimension sociale a toujours fait partie des préoccupations des pouvoirs publics. En témoigne la part importante du budget général de l’Etat accordée au secteur éducatif, par exemple. Cependant, le suivi des indicateurs sociaux montre des déficits importants et de fortes inégalités sociales.

A partir de la deuxième moitié des années 90, la dimension sociale du développement a pris une nouvelle ampleur sous l’impulsion des plus hautes autorités de l’Etat et de la mobilisation croissante de la société civile. La part du budget de l’Etat accordée aux secteurs sociaux est ainsi passée de 39% en 1993 à plus de 47% en 2002.

Une nouvelle stratégie de développement social a été mise en place. Les secteurs sociaux font ainsi l’objet de programmes d’envergure, particulièrement l’éducation-formation et les infrastructures de base, telles que l’électrification rurale, l’accès à l’eau potable ou encore le désenclavement des populations rurales qui ont bénéficié d’importants investissements publics.

De nombreuses institutions, gouvernementales ou non, telles que le Fonds Hassan II pour le développement économique et social, l’Agence Nationale de Promotion de l’Emploi et des Compétences, l’Agence de Développement… ont été créées pour mettre en oeuvre cette stratégie.

Avec l’émergence de la dimension sociale dans le développement économique, il est apparu nécessaire de tenter d’évaluer les politiques sociales mises en oeuvre, ce qui fait l’objet du présent rapport qui constitue une première étape vers une évaluation future de ces politiques au moyen d’instruments de mesure d’impacts en cours de construction.

Ce rapport comporte deux parties. La première partie de ce rapport est consacrée à l’étude des principaux secteurs sociaux (éducation, santé, habitat social…) et des grands projets de renforcement des infrastructures de base en milieu rural et de lutte contre la pauvreté.

La seconde partie du rapport est une étude thématique consacrée à la problématique de l’emploi. Elle comprend une analyse du marché du travail et une présentation des mesures de promotion de l’emploi, ainsi qu’une présentation des politiques réussies de réduction du chômage en Europe. De ces expériences, qui traitent de différentes stratégies, des enseignements peuvent être tirés pour le cas du Maroc.

Les analyses contenues dans ce rapport sont basées sur les données officielles des départements de tutelle des secteurs étudiés et figurent en annexes.



Première partie : Analyse des secteurs sociaux

Le renforcement des politiques sociales à partir de la deuxième moitié des années 90 s’est traduite par une expansion des dépenses consacrées à ce domaine. Le financement des domaines prioritaires (éducation, santé, emploi, habitat…) est passé de 39% du budget total de l’Etat en 1993 à plus de 47% en 2002 (hors dette).

La part du budget allouée au développement social comprend les crédits des

organismes et opérations à caractère social1 et ceux des départements ministériels sociaux.

Les crédits alloués aux secteurs sociaux ont enregistré une croissance annuelle

moyenne de 7,2% durant la période 1993-2002, passant de 22,1 à 45,2 milliards de dirhams, soit un rythme supérieur à celui du budget2 de l’Etat (+6,5% par an).

La progression est plus significative pour les crédits alloués aux organismes et

opérations à caractère social qui ont enregistré une croissance annuelle moyenne de 14,4% durant cette période. Cette hausse est en partie due aux réformes des systèmes de couverture sociale de la fonction publique. En effet, la part patronale des cotisations de retraite des salariés de l’Etat versée à la Caisse Marocaine des Retraites est passée de 1,32% du budget de l’Etat en 1993 à 4,1% en 20023, et les dépenses de prévoyance sociale de 0,42% à 1,02%.

Par ailleurs, la part du social dans le budget de l’Etat est surestimée du fait de la prise en compte des dépenses salariales des départements concernés, et pas uniquement des programmes sociaux.

Depuis 1997, le rythme d’augmentation des dépenses sociales s’est accéléré, atteignant 10,2% par an en moyenne. Ceci traduit les nouvelles orientations des pouvoirs publics visant à promouvoir les secteurs sociaux pour atténuer le déficit social et améliorer la situation des populations défavorisées..

La catégorie des organismes et opérations à caractère social, qui représente près de 11% du budget de l’Etat en 2001, finance plusieurs programmes sociaux. Certains de ces programmes sont continus tels que la compensation des produits de première nécessité.

Les crédits de la Caisse de Compensation ont évolué de 1,8 milliard de dirhams en 1993 à 3,2 en 1999/2000. En 2001, ces crédits se sont élevés à 5,7 milliards de dirhams, en raison de la hausse des prix des produits pétroliers qui ont absorbé 3,1 milliards contre 1,2 milliard en 2000. En 2002, les crédits alloués ont chuté de 53% pour atteindre 2,7 milliards de dirhams. Cette chute s’explique en partie par la libéralisation des huiles qui a permis à l’Etat d’épargner près de 500 millions de DH par an, et par la décompensation de l’utilisation  industrielle du sucre en 2000.

D’autres opérations sociales répondent à des situations conjoncturelles bien précises et bénéficient de lignes budgétaires spécifiques. Elles ont absorbé 13,3 milliards de dirhams en 2001. Il s’agit du programme de lutte contre les effets de la sécheresse4, du Fonds de Développement Rural, des efforts au profit des agriculteurs, de la lutte contre la pauvreté ou encore du Fonds de Solidarité de l’Habitat.

Les crédits alloués aux ministères sociaux ont atteint 34,8 milliards de dirhams en 2002 contre 19,3 en 1993, avec un taux de croissance annuel moyen de 6,8%.

Le secteur de l’enseignement fondamental absorbe environ 21% du budget de l’Etat depuis 1993. Les crédits alloués au Ministère de l’Education Nationale ont progressé de 5,3% par an en moyenne entre 1993 et 2000, puis de 11,9% par an avec la mise en oeuvre des mesures de la Charte de l’Education-Formation5.

La santé publique n’absorbe que 5,4% du budget général de l’Etat, mais a enregistré une accélération du rythme de progression de ses crédits. Ces derniers ont augmenté de 10,5% par an entre 1995/96 et 2002 contre 5% par an entre 1993 et 19956. Ceci traduit la volonté d’améliorer l’offre sanitaire, notamment les soins de santé de base et les programmes de prévention sanitaire.

Outre l’éducation et la santé, l’habitat social et la lutte contre l’habitat insalubre représentent également des secteurs où l’action publique est très présente. Le Secrétariat d’Etat à l’Habitat (SEH), qui finance certains de ces projets, bénéficie d’un budget de 590 millions de dirhams en 2002. Ce montant a augmenté de 5,1% par an depuis 1993.

Il faut noter cependant que plusieurs programmes de logements sociaux sont financés en dehors du budget du Secrétariat d’Etat à l’Habitat (Fonds Hassan II, Fonds de Solidarité Habitat).

La hausse du chômage et de la pauvreté au cours des dernières années a incité les pouvoirs publics à augmenter les crédits alloués au Ministère de l’Emploi, de la Formation Professionnelle, du Développement Social et de la Solidarité de 16% en moyenne par an entre 1997/98 et 2002.

Ces crédits financent des programmes de solidarité, d’action humanitaire à travers l’assistance aux personnes en difficulté, de lutte contre la pauvreté, mais également d’organisation du marché du travail et de promotion de l’emploi, particulièrement des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, et des programmes d’amélioration de la condition de la femme, de la protection de la famille et de l’enfant et de l’intégration des handicapés.

La première partie du présent rapport est consacrée à l’étude des politiques menées dans les domaines de l’éducation, de la santé publique, de la lutte contre la pauvreté et de l’amélioration des conditions de vie.

1. Les efforts de généralisation de l’enseignement fondamental : la Charte nationale

d’éducation –formation

Les politiques poursuivies depuis l’indépendance en matière d’éducation avaient pour principaux objectifs d’élargir l’accès au système de formation et d’éducation et d’en améliorer la qualité. Elles étaient basées sur les principes de marocanisation, d’unification, d’arabisation et de généralisation.

Ce système n’a toutefois pas permis d’obtenir les résultats escomptés. Les taux

d’alphabétisation et de scolarisation ne s’amélioraient que lentement et le taux de déperdition était élevé, particulièrement en milieu rural où l’accès à l’enseignement demeurait limité.

Depuis le débuts des années 90, les pouvoirs publics ont adopté de nouvelles

approches dans le développement du système éducatif, basées essentiellement sur la recherche de l’efficience, la rationalisation des moyens, la déconcentration et l’implication de nouveaux partenaires.

En 1999, une Commission Spéciale d’Education-Formation (COSEF) a été chargée d’élaborer un projet de réforme du système, et la Charte d’Education/Formation fut adoptée en janvier 2000.

1.1. Les principaux axes de réforme de la Charte d’Education/Formation

La Charte d’Education/Formation comprend les axes de réforme, les objectifs, les échéances et les mesures d’application de la refonte du système éducatif. Elle se compose de deux parties. La première a trait aux principes fondamentaux (les fondements du système, ses finalités, les droits et devoirs des différents partenaires et la mobilisation nationale nécessaire pour la réussite de la réforme). La seconde partie comprend les six axes de rénovation :

•La généralisation de l’enseignement fondamental et préscolaire, avec une attention particulière accordée à la fille en milieu rural. La charte s’attaque également au fléau de l’analphabétisme, en particulier des jeunes de moins de 20 ans qui n’ont pas eu lapossibilité d’aller à l’école ou qui l’ont abandonnée.

•L’organisation pédagogique avec l’adoption d’une nouvelle structure lors de la rentrée 2000-20017 qui intègre l’enseignement préscolaire au cheminement classique. Le rôle du Conseil d’orientation sera renforcé au sein des établissements, et devra à terme aboutir à la création d’une Agence Nationale d’Evaluation et d’Orientation. Outre cette agence, la charte prévoit la création d’un Réseau d’Education et de Formation pour assurer l’articulation entre les différentes composantes du système.

•L’amélioration de la qualité de l’enseignement à travers la décentralisation de l’élaboration des manuels scolaires8 pour tenir compte des besoins réels des élèves et respecter une pédagogie basée sur la créativité, la réflexion et l’esprit d’analyse, et l’intégration dans le cursus éducatif des nouvelles technologies de l’information et de la communication, des activités parascolaires et de l’éducation physique.

•La gestion des ressources humaines avec une amélioration de leurs conditions matérielles et morales, le développement de la formation initiale et continue, et le recours à un recrutement plus ciblé, à l’évaluation et à la promotion. A ce niveau, il faut rappeler que les besoins en recrutement d’enseignants s’élèvent à 12.000 par an entre 1999 et 2009.

•La promotion de la décentralisation et de la déconcentration pour améliorer la gouvernance. Chaque école disposera de ses propres crédits de fonctionnement qui seront engagés par le directeur sous le contrôle du Conseil de gestion. Les lycées seront progressivement érigés en Services d’Etat Gérés de Manière Autonome (SEGMA).

•La diversification des sources de financement et la rationalisation des dépenses éducatives, avec une implication progressive des collectivités locales et des ménages dans le financement de l’enseignement, et un partenariat renforcé entre les entreprises et les organismes de formation.

1.2. Le calendrier de généralisation de l’enseignement fondamental

Les objectifs de la charte visent à généraliser l’enseignement fondamental et à le rendre obligatoire de manière progressive.

L’élaboration des manuels sera assurée à hauteur de 70% au niveau central, les 30% restants seront répartis entre les autorités pédagogiques régionales et l’établissement scolaire en question.

L’application des mesures de la charte a débuté lors de la rentrée 2000-2001, ce qui a induit un décalage d’une année dans le calendrier en ce qui concerne les objectifs arrêtés dans le tableau ci-dessus. Toutefois, malgré ce décalage, les indicateurs de scolarisation ont fortement progressé au cours des cinq dernières années, principalement depuis l’année 2000-2001, avec la mise en oeuvre des mesures prioritaires de la charte.

Le taux de scolarisation des enfants âgés de 6 ans est passé de 37% en 1997-1998 à66,5% en 1999-2000 pour atteindre 91% en 2001-2002. La part des enfants âgés de 6 ans scolarisés au premier cycle fondamental devrait varier de 95% à 100% selon les régions, avec une moyenne nationale de 97% en 2002-2003 et atteindre 100% en 2003-2004.

Le taux de scolarisation des enfants âgés de 6-11 ans s’est accru de 69% en 1997-1998 à 90% en 2001-2002. En milieu rural, ce taux est passé de 55% à 84% durant la même période. Selon les estimations du Ministère de l'Education Nationale, le taux de scolarisation des 6-11 ans atteindra 95% en 2002-2003 et 100% en 2003-2004.

La part des filles scolarisées dans cette catégorie d’âge a atteint 44% contre 37% en 1997-1998. Cette amélioration est due essentiellement aux résultats des nouvelles actions qui privilégient les zones d’intervention prioritaires et les groupes défavorisés.

En 2001-2002, les effectifs globaux des élèves de l’enseignement primaire ont franchi la barre des 4 millions, en hausse de 5% par rapport à la rentrée précédente. Les filles en ont représenté 46%. Pour accueillir les nouveaux inscrits, plus de 4000 classes et 500 écoles ont été construites.

1.3. Le financement de la charte

La mise en place des dispositions de la Charte de l’Education/Formation exige des efforts importants de modernisation et d’adaptation du système éducatif, notamment à travers la refonte de l’ensemble des programmes et des composantes pédagogiques. Les travaux de la Commission Spéciale Education/Formation ont ainsi fait apparaître la nécessité de renforcer les infrastructures éducatives et les dépenses de fonctionnement de l’enseignement.

L’effort d’investissement total requis par la réforme entre 2000 et 2009 est estimé à 65 milliards de DH, auxquels devront s’ajouter 284 milliards de dirhams de dépenses de fonctionnement.

la réforme du système d’éducation ne peut être financée sans un plan de financement complémentaire ou encore l’encouragement de
l’enseignement privé par des mesures spécifiques.

La réforme de l’Education Nationale ne sera couverte qu’à hauteur de 13% par le budget alloué par le Plan de Développement Economique et Social 2000-2004. Le département absorbe déjà une grande part du budget de l’Etat (21%) et ne peut bénéficier d’une part supplémentaire conséquente dans un contexte de rareté des ressources financières

de l’Etat. Il s’agira donc d’optimiser la gestion budgétaire et d’améliorer l’efficience des dépenses publiques.

En outre, la Charte prévoit, pour financer la réforme, de mettre en place un système de recouvrement des frais de scolarité au niveau de l’enseignement secondaire et supérieur et de développer la coopération avec les collectivités locales et la société civile. L’implication de ces dernières est indispensable, ainsi que de l’ensemble des acteurs dans ce processus de généralisation et d’amélioration de l’enseignement.

2. Les politiques menées dans le domaine de la santé publique

Le renforcement de la politique sociale au cours des dernières années s’est traduit, dans le domaine de la santé, par l’amélioration de l’offre des soins de santé de base et de la formation des ressources humaines.

Cependant, des insuffisances subsistent tant au niveau de l’infrastructure que de la production du système de santé national (inégalités régionales et sociales, faibles progrès réalisés) et l’accès aux soins demeure limité.

2.1. L’offre de soins de santé

Des efforts importants ont été déployés ces dernières années pour améliorer les

prestations sanitaires et les investissements en matière de santé publique.

2.1.1. Les ressources du système sanitaire

Les ressources financières en hausse de la santé publique

Le budget total du Ministère de la santé est passé de 2,3 à 4,95 milliards de dirhams entre 1992 et 2001 et sa part dans le PIB de 1% à 1,3%9. Malgré cette augmentation, ce rapport reste bien inférieur à celui de pays à revenu comparable : en 1999, ces dépenses ont représenté 5,2% du PIB en Irlande, 5,1% au Portugal et 2,2% en Tunisie.

Les dépenses d’investissement ont augmenté de 12,5% en moyenne par an entre 1993 et 2001 et leur part dans le budget d’investissement de l’Etat est passée de 2,8% à 4,7%. Cette

expansion relative des investissements a permis d’améliorer l’offre en infrastructures sanitaires.

La part des dépenses d’investissement allouée à l’équipement est passée de 17% en 1999 à 28% en 2001. Ceci atteste de la recherche d’une meilleure efficacité des dépenses publiques.

Concernant le fonctionnement, le budget de la santé publique était de plus de 4

milliards de dirhams en 2001, soit 5,4% du budget de fonctionnement de l’Etat, dont la plus grande partie (78%) est allouée aux salaires, ce qui limite sérieusement le montant alloué à l’achat de matériel et de produits sanitaires.

Une politique d’investissement orientée vers les soins de santé de base

La politique poursuivie pour les investissements sanitaires a privilégié les

infrastructures de proximité. Le nombre d’établissements de soins de santé de base (ESSB) aaugmenté de 3,7% par an en moyenne entre 1993 et 2001 pour atteindre 2.341 unités, ce qui a permis de ramener le nombre d’habitants par ESSB de 14.776 à 12.460 au niveau national.

Ce renforcement des ESSB a davantage concerné le milieu rural pour parer au déficit au niveau des autres types de formations sanitaires. En conséquent, le ratio habitants par ESSB est de 7.405 dans les campagnes contre 26.998 en milieu urbain.

Quant aux centres hospitaliers, qui requièrent des investissements financiers et

humains considérables, leur nombre a peu augmenté au cours de la dernière décennie. Le développement du réseau hospitalier a même été inférieur à la croissance démographique, car le nombre d’habitants par lit a augmenté de 974 à 1.150 entre 1993 et 2001.

Par ailleurs, les hôpitaux sont concentrés dans les zones urbaines et inégalement répartis entre les régions économiques du pays. Les seules régions du Grand Casablanca et Rabat-Salé-Zemmour-Zaer regroupent 22% des hôpitaux et 27% de la capacité hospitalière nationale totale. Cette situation devrait progressivement changer avec la mise en service de nouveaux CHU à Fès et Marrakech.

Cependant, malgré l’effectif réduit des hôpitaux, le taux d’occupation moyen des lits d’hôpitaux était de 49,6% seulement en 2000, ce qui montre que d’autres facteurs limitent l’accès aux soins de santé : disponibilité et accessibilité géographiques, coûts des soins …

Les ressources humaines

Le renforcement des soins de santé de base a également été appliquée au niveau de la formation des ressources humaines. L’effectif des médecins de santé de base a augmenté de 10,1% par an en moyenne entre 1993 et 2001, contre une progression de 8,1% de l’effectif global des médecins. Cet accroissement est en rapport avec le renforcement des programmes de santé de la mère et de l’enfant.

Le nombre d’habitants par médecin est passé de 3.087 en 1993 à 2.038 en 2001, avec  toutefois de fortes disparités spatiales : cet indicateur varie de 769 dans la région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaer à 4.412 pour la région de Taza-Alhoceima-Taounate.

Cependant, la formation des ressources humaines doit être renforcée pour améliorer l’encadrement médical. Si l’on se réfère aux données du Rapport des Nations Unies sur le Développement Humain de 200210, l’effectif des médecins pour 100.000 habitants est de 312 au Portugal, 219 en Irlande, et seulement de 46 au Maroc qui figure en septième position dans un échantillon de pays émergents à économies comparables.

 Ces chiffres se réfèrent aux données de 1999.

 L’échantillon choisi est composé des pays suivants : Chili, Corée, Indonésie, Irlande, Malaisie, Mexique, Pologne, Portugal, Tunisie et Turquie.

Etant donné le déficit en encadrement médical, les auxiliaires de santé assurent les consultations de 10% des ruraux et de 20,3% des pauvres en cas de morbidité12.

L’effectif des infirmiers a augmenté de 23.992 en 1993 à 29.653 en 2001, en

accroissement annuel moyen de 2,4%. Entre 1992 et 1995, le Maroc était mieux classé en termes d’encadrement paramédical que médical : il figurait en cinquième position de l’échantillon de pays avec 94 infirmiers pour 100.000 habitants contre 304 au Portugal, 283 en Tunisie, 67 en Indonésie et 42 au Chili.

Une nette amélioration des indicateurs sanitaires

Le renforcement des investissements dans les soins de santé de base et l’extension des programmes de santé maternelle et infantile, ainsi que l’orientation vers une politique sanitaire préventive, ont permis d’améliorer significativement les indicateurs sanitaires, et notamment l’allongement de l’espérance de vie de 10,4 ans entre 1980 et 1999 pour atteindre 69,5 ans au niveau national.

Au niveau de l’échantillon de pays, l’indicateur observé en 1999 place le Maroc en avant dernière position, avec 67,2 ans, contre 76,4 ans pour l’Irlande selon les données du PNUD. L’espérance de vie au Maroc est cependant supérieure à la moyenne des pays en voie de développement (64,5 ans).

Dans le cadre des programmes d’amélioration de la santé de la mère et de l’enfant, qui visent principalement un meilleur suivi des grossesses et des accouchements et une réduction de la mortalité maternelle et néonatale, les efforts entrepris ont permis d’augmenter la part des femmes recevant des soins prénatals et des accouchements en milieu surveillé. En conséquence, le taux de mortalité maternelle a baissé de 332 à 228 cas pour 100.000 naissances entre 1992 et 1998. Cette amélioration est plus significative en milieu urbain où le

taux de mortalité a été ramené de 284 à 125 cas pour 100.000 naissances.

Le Maroc accuse toutefois un taux de mortalité maternelle supérieurs à ceux des autres pays de l’échantillon. En effet, cet indicateur est inférieur à 10 en Irlande, au Portugal et en Pologne, et inférieur à 100 en Corée, au Chili, au Mexique, en Malais ie et en Tunisie.

La part des enfants de 12 à 23 mois complètement vaccinés est passée de 75,7% en 1992 à 90,5% en 1998 (96,4% en milieu urbain et 85,6% en milieu rural). Selon le niveau de vie, la couverture est totale chez les enfants du quintile le plus favorisé contre 82% chez le quintile le moins favorisé.

Il est à noter que l’amélioration des indicateurs sanitaires résulte également des efforts consentis dans plusieurs domaines sociaux, principalement l’éducation et l’enseignement,

surtout auprès de la population féminine. Par ailleurs, l’implication croissante de la société civile (campagnes de sensibilisation ou d’interventions sanitaires), permet de remédier à certaines insuffisances du système sanitaire (planification familiale, MST/SIDA…).

2.1.2. Les dépenses de santé

Selon un rapport de la Banque Mondiale13, les dépenses budgétaires au Maroc

constituent 33% des dépenses totales de santé. Le système de couverture médicale assure 19%des prestations, et le reste, soit 48%, est supporté directement par les ménages.
 Enquête nationale sur le niveau de vie des ménages, 1998/99.
 Rapport de la Banque Mondiale sur la pauvreté au Maroc, 2001.
Au niveau des ménages, ces dépenses varient de 2% des dépenses totales pour les ménages pauvres à 6% chez les plus aisés. Les dépenses moyennes par personne représentent 511 dirhams en milieu urbain contre 189 dirhams en milieu rural en 199814, alors que le budget public n’excédait pas 131 dirhams par habitant.

Accès limité des pauvres aux soins de santé*

Malgré la gratuité des soins pour les personnes défavorisées, seuls 45% des malades pauvres consultent le système public de santé, contre 77% des malades aisés. Ces proportions sont respectivement de 60% et 80% en milieu urbain et de 40% et 74% en milieu rural15.

En plus du niveau de vie des malades, le type de formation sanitaire constitue un facteur déterminant de la répartition des dépenses publiques de santé :

•Les soins prodigués au niveau des hôpitaux publics bénéficient plus aux riches qu’aux pauvres : 32,3% contre 9% seulement. Cette différence est plus significative en milieu rural (39,7% contre 9,5%), qu’en milieu urbain (21,1% et 16,1%), à cause du faible accès des malades ruraux aux hôpitaux publics concentrés en milieu urbain.

•Les malades pauvres se dirigent plus vers les centres de santé que les riches, surtout en milieu urbain : 19,8% des malades pauvres y accèdent contre 9,8% des plus aisés. En milieu rural, ils profitent presque uniformément à toutes les couches de la population.

•Les dispensaires, où les consultations sont assurées par les auxiliaires de santé, bénéficient trois fois plus aux pauvres qu’aux riches en milieu urbain, alors qu’en milieu rural ils sont fréquentés par deux fois plus de malades aisés que de pauvres.

Par ailleurs, seuls 66% de la population marocaine ont accès aux médicaments et vaccins essentiels, alors que cet accès est quasi total dans quatre pays de l’échantillon (Corée, Irlande, Portugal et Turquie), et assez élevé au Mexique (92%), au Chili et en Pologne (88%).

Le faible accès de la population aux soins est donc imputable essentiellement au coût et aux insuffisances ressenties dans le système sanitaire public : inaccessibilité, vétusté des équipements... En effet, les dépenses publiques consacrées à l’équipement et au matériel restent faibles, et une grande partie des installations est âgée de plus de 15 ans (40% des salles d’opération, 22% des salles de réanimation, 39% des laboratoires et 32% des équipements

radiologiques).

2.2. Les réformes futures

L’accès aux soins étant tributaire d’une politique de financement adéquate, la

généralisation de la couverture médicale, qui actuellement ne concerne que 15% de la population, permettrait d’étendre l’accès aux soins aux personnes défavorisées.

Une Loi-cadre pour l’instauration d’une couverture médicale de base a été adoptée au Parlement pour la mise en place de deux régimes d’assurance maladie, l’Assurance Maladie Obligatoire et le Régime d’Assistance Médicale, présentés ci-après.

Enquête nationale sur le niveau de vie des ménages, 1998/99.

Les données concernant les consultations ne mentionnent pas l’effectif des bénéficiaires des services gratuits ou payants.


2.2.1. L’assurance maladie obligatoire

L’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) est fondée sur le principe contributif. La Loi désigne comme bénéficiaires de ce régime les catégories de population suivantes :

•Les fonctionnaires et agents de l’Etat, des collectivités locales, des entreprises publiques et des personnes morales de droit public et leurs ayants droit ;

•Les personnes assujetties au régime de sécurité sociale en vigueur dans le secteur privé et leurs ayants droit ;

•Les titulaires de pensions des deux secteurs public et privé et leurs ayants droit ;

•Les travailleurs indépendants exerçant une profession libérale ou une activité non salariée et leurs ayants droit ;

•Les étudiants de l’enseignement supérieur public et privé non couverts à titre d’ayant droit.

L’AMO devra couvrir un panier de soins similaire à celui garanti actuellement par les caisses de prévoyance sociale (frais de maternité, de maladie ou d’accident non soumis à la législation sur les accidents de travail). Des décrets d’application viendront fixer les modalités et les taux de remboursement et de cotisation.

La gestion de l’AMO de base est confiée à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale pour les salariés et pensionnés du secteur privé, et à la Caisse Nationale des Organismes de Prévoyance Sociale pour les salariés et retraités du secteur public.

L’AMO sera financée essentiellement par les cotisations (patronales et salariales) prélevées sur les salaires et les pensions et par d’autres ressources telles que les majorations,

astreintes et pénalités de retard, les produits financiers, les dons et legs et toute autre ressource attribuée en vertu de législation ou de réglementation particulière.

2.2.2. Le régime d’assistance médicale

Le RAMED est destiné aux personnes qui ne sont assujetties à aucun régime

d’assurance maladie et qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour faire face aux prestations de soins. Il s’agit des populations pauvres, des pensionnaires des établissements de bienfaisance, orphelinats, hospices, ou de rééducation, des pensionnaires des établissements pénitentiaires et des personnes sans domicile fixe.

La prise en charge, totale ou partielle, des prestations sanitaires n’interviendra que pour les soins et examens pratiqués dans les hôpitaux et les établissements sanitaires publics.

Le financement du RAMED sera assuré essentiellement par l’Etat et les collectivités locales. La contribution de l’Etat sera inscrite annuellement dans la Loi de Finances.

16 Les ayants droit sont les membres de la famille à charge de l’adhérent qui ne sont pas couverts à titre personnel. Les enfants doivent être âgés de moins de 21 ans ou de moins de 26 ans s’ils sont étudiants. Cette limite d’âge est inexistante en cas d’impossibilité permanente d’exercer une activité rémunérée. Pour la couverture des ascendants, une cotisation supplémentaire est exigée.

 La couverture médicale des actifs et titulaires de pensions des corps des forces armées royales et leurs ayants droit demeure régie par les dispositions législatives et réglementaires les concernant.
Toutefois, une contribution pourrait être demandée aux bénéficiaires de ces

prestations. La gestion du RAMED est confiée à l’Agence National d’Assurance Maladie.

2.2.3. L’Agence Nationale d’Assurance Maladie : Institution d’encadrement de la couverture médicale de base

La loi sur la couverture médicale de base a institué l’Agence Nationale d’Assurance Maladie (ANAM) qui, outre la gestion du RAMED, devra faire respecter les dispositions de la loi et veiller au bon fonctionnement du système de couverture médicale de base.

L’Agence sera financée par les contributions et les cotisations des organismes

gestionnaires, par les subventions dons et legs, par les avances remboursables du Trésor et des organismes publics ou privés, ainsi que par les emprunts autorisés par la loi et toute autre ressource en rapport avec son activité.

Les enjeux de la couverture médicale de base

Le coût de l’assurance maladie dépendra des objectifs de couverture, du panier de soins et des taux de remboursement. Ensuite, l’équilibre des régimes d’assurance sera fonction des taux de cotisation, de recouvrement et, pour le RAMED, de la part du budget de l’Etat, des Collectivités Locales et de la participation des bénéficiaires aux frais de soin.

La couverture médicale de base contribuera à l’amélioration du bien être des

populations avec une augmentation du taux de recours aux soins en cas de morbidité. Les inégalités au niveau de l’accès aux soins seront donc atténuées, tant au niveau social que régional avec l’extension géographique des services sanitaires.

Grâce au RAMED, les populations défavorisées auront accès à certains soins

aujourd’hui inaccessibles du fait de leur coûts prohibitifs (insuffisance rénale, hépatite, maladies cardio-vasculaires etc.).

L’extension de la couverture médicale nécessite le renforcement des infrastructures sanitaires, soit des investissements importants pour répondre à l’augmentation de la demande de soins. Ces efforts supplémentaires pourraient provenir d’une gestion plus rigoureuse de la part du budget allouée à ce secteur, accompagnée d’un système de recouvrement des coûts modulé en fonction du niveau de vie des bénéficiaires, et de l’encouragement de la

décentralisation des investissements.

Le développement de la demande de soins entraînera également une plus grande mobilisation en ressources humaines et créera ainsi plus d’emplois dans les secteurs médical, paramédical et pharmaceutique.

Pour le financement de l’Assurance Maladie, les cotisations vont ent raîner une hausse du coût du travail et donc une baisse de la productivité dans un contexte d’ouverture et un risque de développement du secteur informel.

Il faudra donc rechercher un meilleur équilibre avec les autres prélèvements

obligatoires pour ne pas grever davantage les entreprises et les créations d’emplois. Les prestations à court terme de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, telles que les allocations familiales, sont excédentaires, et pourraient constituer une source de financement en partie des cotisations à l’assurance maladie.

Pour le financement du RAMED, il faut tenir compte de la part importante du budget des hôpitaux allouée aux soins gratuits des personnes défavorisées. Le complément nécessaire

à l’équilibre du régime serait issu des contributions supplémentaires du budget de l’Etat et des Collectivités Locales, mais pourrait également provenir de la réallocation de dépenses sociales peu efficientes ou peu ciblées, telles que les dépenses de soutien des prix des denrées de base qui profitent davantage aux populations aisées de par leur plus grand pouvoir d’achat.

3. Les politiques nationales de lutte contre la pauvreté

L’enquête de 1998/99 sur le niveau de vie des ménages a mis en évidence la

recrudescence de la pauvreté par rapport à 1990 : le taux de pauvreté est ainsi passé de 13% à 19%, touchant 5,3 millions de personnes dont les deux tiers vivent en milieu rural qui subit les effets de sécheresses répétées.

La pauvreté est intimement liée à l’insuffisance de l’accès à l’inves tissement dans les capacités humaines (éducation, formation et soins de santé) en raison de son inégale répartition sociale et spatiale. L’amélioration des infrastructures et des services de base, ainsi que la diversification des systèmes de production et donc de l’offre d’emploi, surtout en milieu rural, sont les conditions de la réduction des inégalités.

La lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale a toujours été une préoccupation des pouvoirs publics qui visent l’amélioration du niveau de vie à tr avers les dépenses budgétaires.

Cependant, cette question a connu un regain d’intérêt depuis la deuxième moitié de la décennie 90, avec l’érection de la dimension sociale au rang de priorité au niveau institutionnel et budgétaire.

Ce chapitre présente les politiques mises en oeuvre par les pouvoirs publics pourréduire la pauvreté et les inégalités d’accès aux services sociaux et infrastructures de base.

Certains points sont examinés dans le cadre d’autres parties du rapport social, et ne sont donc pas développés dans cette partie.

3.1. Les moyens « classiques » de lutte contre la pauvreté et l’exclusion

Outre la gratuité de l’enseignement et des services de santé pour les plus démunis (développés dans les chapitres précédents), l’action publique de lutte contre la pauvreté se base sur des mécanismes institutionnels d’assistance des personnes défavorisées et la protection de leur pouvoir.

3.1.1. Les mécanismes d’assistance sociale

Différents mécanismes ont été mis en place pour répondre aux besoins des populations défavorisées.

L’Entraide Nationale18 offre des services de proximité au profit des couches sociales défavorisées qui n’ont pas accès aux services sociaux de base. Elle mène plusieurs types d’actions ciblées (alphabétisation, formation, gestion des orphelinats et des centres préscolaires pour les plus pauvres, promotion de la femme, appui aux associations pour handicapés…) et dispose d’un vaste réseau sur le territoire national.

 Ministère de l’Emploi, de la Formation Professionnelle, du Développement Social et de la Solidarité Quant à la Promotion Nationale 19, ses principales missions sont la création d’emplois et le développement des infrastructures de base dans les zones rurales défavorisées ne bénéficiant pas de grands projets d’investissement public. Son action consiste en la coordination et la promotion de l’emploi rural pour la mise en valeur du territoire national.

Ainsi, durant les années 90, 40.000 emplois destinés aux pauvres ont été créés annuellement.

3.1.2. La protection du pouvoir d’achat des populations défavorisées

La subvention des prix des produits alimentaires a été introduite pour stabiliser les prix des produits de base. En 2001, la charge brute de compensation s’est élevée à 7,2 milliards de dirhams, soit 1,9% du PIB. La part du budget de l’Etat a été de 4,9 milliards de dirhams.

Le caractère non ciblé de ces subventions implique qu’elles profitent plus aux

populations aisées de par leur plus grand pouvoir d’achat, et seulement 25% des subventions alimentaires bénéficient aux pauvres. Néanmoins, leur impact sur les pauvres est plus important, car les produits subventionnés constituent une grande partie de leurs dépenses et de leurs apports caloriques.

S’agissant des revenus, les multiples revalorisations du salaire minimum garantiinstitué en 1936, ainsi que les revalorisations des retraites minimales, permettent d’assurer un pouvoir d’achat décent aux salariés.

3.2. L’ « expansion » des programmes de lutte contre la pauvreté

Depuis la deuxième moitié de la décennie 90, les programmes de lutte contre la pauvreté ont été intensifiés pour répondre aux besoins grandissants en infrastructures et services de base. Une nouvelle approche de la lutte contre la pauvreté s’est imposée avec l’élaboration d’une « Stratégie de Développement Social Intégré » qui vise notamment l’amélioration de l’accès des populations défavorisées aux services sociaux de base, particulièrement dans les zones rurales, la mise en place d’activités génératrices de revenus et la promotion de l’emploi des jeunes.

3.2.1. Le Programme des Priorités Sociales

Le Programme des Priorités Sociales (BAJ), issu de cette stratégie, vise la lutte contre la pauvreté par l’intégration des couches défavorisées dans le développement de l’économie nationale. Ce projet est destiné aux catégories défavorisées de treize provinces du Royaume, choisies selon des critères précis de niveau de vie, d’éducation, et de santé, pour les faire

bénéficier davantage des dépenses sociales et des services sociaux de base, et réduire les écarts entre les différentes catégories socio-économiques.

La première tranche de ce programme a été initiée en 1996 et s’est étalée sur cinq ans, avec un coût global de 2,65 milliards de dirhams. Près de la moitié de ce budget était consacrée à la réduction des disparités entre les groupes socio -économiques en matière de soins de santé. Le développement de l’accès des populations défavorisées à l’éducation, a absorbé 970 millions de dirhams. Le reste du budget a financé la coordination et le suivi des programmes sociaux, ainsi que la promotion de l’emploi.

 Ministère de l’Intérieur.
3.2.2. La scolarisation, la formation et la promotion de l’emploi

Afin de réduire l’incidence de l’accès limité à la scolarisation et formation sur le niveau de vie des populations, diverses mesures visant la généralisation de l’enseignement ont été prises, et principalement l’adoption de la Charte Nationa le de l’Education - Formation20.

D’importants efforts ont également été consentis par les pouvoirs publics et la société civile pour l’alphabétisation des adultes et l’éducation non formelle, à travers la mise en place de programmes au niveau des mosquées de plusieurs localités du Royaume et l’encouragement des initiatives locales d’éducation. L’objectif est de ramener le taux d’analphabétisme de 47% actuellement à 20% en 2010 et de l’éradiquer en 2015.

Dans le cadre de la formation professionnelle et de la promotion de l’emploi qualifié,l’action de l’Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail a été dynamisée par la mise en place de formations adaptées aux exigences des employeurs

(continue, alternée, qualifiante…). En outre, l’Agence Nationale de Promotion de l’Emploi et des Compétences a été créée (juin 2000) pour organiser et mettre en oeuvre des programmes de promotion de l’emploi qualifié.

A l’initiative d’ONG, le système du micro- crédit a été institué en 1996 pour assurer l’insertion économique des personnes économiquement faibles. Ce système, principalement orienté vers le milieu urbain, a connu un véritable essor : de 90.000 prêts totalisant 90 millions de dirhams en 2000, il est passé à 150.000 pour une somme globale de 200 millions de dirhams en 2001, ciblant essentiellement des femmes (75% des clients).

3.2.3. La santé et la couverture médicale

En plus des progrès réalisés dans le domaine de l’offre de soins et de la formation des ressources humaines, la santé publique devra connaître une réforme profonde avec la mise en place de la couverture médicale de base dont la loi-cadre a été adoptée au Parlement21.

3.2.4. La protection du pouvoir d’achat

La revalorisation des retraites servies avant 1997 avec l’intégration dans le calcul de la cotisation des indemnités salariales, la titularisation progressive des agents occasionnels et le

relèvement de la tranche de revenu exonérée de l’IGR a permis d’améliorer le revenu des salariés du secteur public.

Concernant le secteur privé, le SMIG a crû au taux annuel moyen de 4% entre 1995 et 2000, ce qui constitue un gain pour les salariés face à une inflation moyenne de 2,6%. Le SMAG n’a augmenté en moyenne que de 2,4% par an, ce qui fait apparaître l’inégalité entre les milieux urbain et rural et qui explique en partie la paupérisation rurale.

3.2.5. L’amélioration des conditions de vie

Le milieu rural requiert une stratégie active d’amélioration des conditions de vie et de promotion des ressources humaines et de l’emploi à travers une diversification des systèmes de production pour réduire les effets de l’aléa climatique sur le niveau de vie des populations.

 Voir « Les efforts de généralisation de l’enseignement fondamental : la Charte d’Education Formation ».

 Voir « Les politiques menées dans le domaine de la santé publique ».
Le renforcement des infrastructures de base, essentiel à la réduction des inégalités et au rapprochement de la population rurale des services publics de base, a fait l’objet de plusieurs programmes d’envergure au milieu des années 9022.

Par ailleurs, un programme de lutte contre les effets de la sécheresse a été mis en place depuis 1999/2000 pour atténuer les effets des sécheresses fréquentes sur le niveau de vie en milieu rural. Le budget global de 6,94 milliards de dirhams alloué à ce programme a été réparti entre la réhabilitation des sources de revenus des populations (65%), le sauvetage du cheptel (20%) et l’accès à l’eau potable (10%) ; le reliquat a été réservé à l’approvisionnement en céréales et à l’allègement du surendettement des agriculteurs.

En milieu urbain, d’importantes mesures de lutte contre l’habitat insalubre et de résorption des bidonvilles ont été initiées au cours des dernières années. Le projet le plus vaste a été mis en place en janvier 2002 et devra s’étaler sur une période 10 ans 23.

3.2.6. Les nouvelles mesures institutionnelles de lutte contre la pauvreté

Afin de mettre en oeuvre et de coordonner les actions de la stratégie de développement social, les pouvoirs publics ont procédé à la restructuration de l’Entraide Nationale et à la création de nouvelles institutions à caractère social.

L’Entraide Nationale fait l’objet d’une dynamisation de la lutte contre la pauvreté avec un redéploiement vers le péri- urbain et le rural et le développement du partenariat avec les autres institutions et la société civile. Il est prévu ainsi qu’à l’horizon 2008, le partenariat avec les ONG assure 70% des actions de l’Entraide Nationale, particulièrement au niveau de la formation des femmes et des enfants. Au titre de l’année 2001, 35% du budget de l’Entraide Nationale qui s’élève à 190 millions de dirhams ont été alloués aux associations partenaires.

L’Agence de Développement Social (créée en août 1999) devra, en partenariat avec les secteurs associatif et privé, atténuer le déficit social et améliorer la situation des couches défavorisées en soutenant des plans de développement communautaire et les projets générateurs d’emplois et de revenus. Cette institution a démarré en 2001 ses programmes de coopération avec les organisations locales de développement.

Sur un autre plan, l’Agence Hassan II pour le développement économique et social une mission de promotion des investissements et de l’emploi. A partir essentiellement des  recettes des privatisations, il finance des infrastructures et des services sociaux de base, participe au développement de l’infrastructure de production et du micro-crédit.

Quant à la Fondation Mo hamed V pour la Solidarité (ONG), sa principale mission es la lutte contre la pauvreté par des actions ciblant les populations défavorisées. Elle finance par exemple des centres d’hébergement pour les élèves pauvres, des cantines scolaires, des ONG oeuvrant dans les domaines de l’éducation et de la lutte contre la pauvreté…

3.2.7. Emergence de la société civile

L’ampleur des déficits sociaux face aux ressources publiques limitées a impliqué l’essor de la société civile au cours des deux dernières décennies avec le renforcement de l’approche participative du développement. Les associations se sont multipliées et étendu leurs interventions à des domaines insuffisamment couverts par les pouvoirs publics.

 Voir « Les programmes d’amélioration des conditions des populations rurales ».

 Voir « La stratégie de lutte contre l’habitat insalubre ».

Afin de les encourager, l’Etat leur accorde différents avantages fiscaux et financiers selon leur champ d’action et leur nature juridique. Ainsi, plusieurs programmes sont soutenus financièrement dans les domaines de la formation continue, l’éducation non formelle, l’aide aux personnes handicapées, le micro-crédit ou encore la protection de l’enfance. L’aide publique aux ONG s’est élevée en 2001 à 260 millions de dirhams. L’Etat entend mettre en

place un programme défini de partenariat avec les ONG pour accroître leurs capacités et préciser leur cadre d’intervention pour une plus grande mobilisation des ressources au profit du développement.

4. Les programmes d’amélioration des conditions de vie des populations rurales

En tant que levier de développement national, l’essor du monde rural constitue un impératif auquel tous les acteurs de la société sont appelés à adhérer, que se soit pour des raisons d’aménagement équilibré du territoire, de renforcement de la cohésion sociale ou de conservation des ressources naturelles.

Malgré les progrès notables réalisés dans plusieurs domaines au cours des dernières années, de larges disparités d’accès aux infrastructures de base subsistent entre les villes et les campagnes. C’est dans le but de réduire ces inégalités que, dès 1995, les pouvoirs publics ont lancé trois programmes d’envergure d’approvisionnement en eau potable, de désenclavement et d’électrification rurale.

4.1. Progression significative de l’accès à l’eau potable en milieu rural

Lors de la 8ème session du Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat en 1994, une étude menée sur l’accès à l’eau potable en milieu rural a fait état d’une situation critique.

Seuls 14% de la population rurale avaient accès à l’eau potable, alors que la quasi-totalité des populations urbaines était desservie.

Face à cette situation, l’Etat a lancé en 1995 un programme d’approvisionnement groupé en eau potable du monde rural (PAGER) qui devrait en généraliser l’accès sur une période de dix ans à travers la construction de 31 mille points d’eau dans 31 mille localités regroupant 11 millions d’habitants. Le coût de ce projet a été estimé à 10 milliards de DH.

La stratégie adoptée consiste à établir des partenariats entre les communes locales etles services techniques de l’Etat, avec l’implication des populations dans le financement des

projets. Ces dernières doivent prendre en charge la gestion, l’exploitation et l’entretien des équipements mis à leur disposition dans le cadre d’associations d’utilisateurs.

L’Etat est le principal bailleur de fonds : le budget général finance 80% de ce projet grâce aux prêts et dons de divers pays et organismes et à la solidarité nationale. Les communes rurales financent 15% du programme en se basant sur leurs fonds propres et des prêts consentis par le Fonds d’Equipement Communal ou les institutions financières étrangères. Les populations bénéficiaires, enfin, apportent les 5% restants.

Au terme de l’année 2001, grâce à un investissement global de près de deux milliards de dirhams, le PAGER a permis l’approvisionnement en eau potable de près de 6,1 millions

d’habitants répartis dans 10.560 localités. Le taux d’accès à l’eau potable a été ainsi porté à 47,8% contre 14% seulement en 1995.

Evolution du taux d’approvisionnement des populations rurales en eau potable

Les régions qui ont le plus profité de cette desserte sont celles arides avec un taux d’accès à l’eau potable de 100% à Assa zag, 98% à Inzégane - Aï t Melloul et 95% à Tantan.

Selon le Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat (juin 2001), le PAGER vise à atteindre un taux d’approvisionnement en eau potable de 62% en 2004 et de 80% en 2010.

4.2. Les efforts de désenclavement en milieu rural

Les routes jouent un rôle décisif dans le développement économique et social du monde rural. Elles permettent une meilleure répartition spatiale des activités productives, la création de nouveaux emplois et facilitent l’accès aux services sociaux de base.

En 1995, il a été constaté que, sur une étendue de 38.000 km de pistes rurales, 30% étaient fréquemment impraticables et causaient l’enclavement total des zones qu’elles desservaient. Par ailleurs, 22% des localités étaient inaccessibles par véhicule et 35% souffraient d’enclavement saisonnier. Un programme national de construction des routes rurales (PNRR) a été lancé pour pallier cette insuffisance et désenclaver 22% des localités rurales à travers la réalisation de 11.236 km (5.419 km à construire et 6.087 km à aménager).

La mise en oeuvre du PNRR nécessite un financement annuel global de 730 millions de dirhams, dont 170 millions de dirhams du budget général de l’Etat, 460 millions du Fonds Spécial Routier et 100 millions des budgets des Collectivité Locales.

Depuis son lancement en 1995 et jusqu’à fin janvier 2002, les opérations réalisées ou lancées ont totalisé un linéaire de 6.908 Km dont 4.097 Km de construction et 2.811 Km d’aménagement. Ceci a permis d’élever le taux de réalisation à 55% contre 24% en 1997.

Evolution du taux de réalisation du Programme National des Routes Rurales

Pour augmenter le rythme de réalisation de ce programme et l’étendre à d’autres localités, une convention a été signée avec l’Agence pour la Promotion et le Développement Economique et Social des Préfectures et Provinces du Nord pour la réalisation d’un programme complémentaire de 900 km de routes rurales.

D’autres projets similaires doivent être financés par des prêts de la Banque

Européenne d’Investissement (628 Km pour un coût de 610 millions de dirhams) et l’AgencFrançaise de Développement (281 Km pour un coût de 241 millions de dirhams).

4.3. Vers la généralisation de l’électrification rurale

Outre l’eau et la route, l’électrification des zones défavorisées vient donner un rôle déterminant à ces trois infrastructures dans le renforcement du développement local et la réduction des inégalités spatiales. Entre 1985 et 1995, le Maroc avait mené un Programme Pilote d’Electrification Rurale qui a permis d’électrifier plus de 200 villages répartis dans le provinces d’Azilal, Safi et Errachidia.

Sur la base des résultats de cette expérience, le Programme d’Electrification RuraleGlobale a démarré en janvier 1996 pour généraliser, à l’horizon 2010, l’électrification en réseau de tous les foyers ruraux dont le coût de branchement est inférieur à 10.000 dirhams.

Ce projet devrait aboutir à la réduction des inégalités d’accès à ce service en avantageant les provinces faiblement ou moyennement desservies par l’électricité.

L’électrification par énergie solaire, utilisée dans les villages à forte dispersion où le raccordement par réseau est pratiquement impossible, vise l’alimentation par Kits photovoltaï ques individuels de 200.000 foyers sur un total de 2 millions.

Selon les objectifs définis par le Plan de Développement Economique et Social 2000-2004, le PERG devrait aboutir à un taux d’électrification rurale de 60% en 2004, avec un budget dépassant les 6 milliards de dirhams et qui devrait concerner 550.000 foyers.

Le Programme d’Electrification Rurale Globale est financé par l’Office National de l’Electricité, les collectivités locales et les bénéficiaires. Les frais diffèrent selon le mode de paiement choisi.

Au terme de l’année 2001, les réalisations ont porté sur l’électrification de 1.760 villages regroupant 776.512 habitants. Le coût global des opérations a atteint 7,4 milliards de dirhams. Le taux d’électrification en réseau a ainsi atteint 50%. Les régions qui ont le plus bénéficié de ce programme sont Guélmim et Meknès avec des taux d’électrification rurale respectifs de 92% et 88%.

Etant donné la réussite de ce programme, l’Office National d’Electricité ambitionne d’atteindre, avec un budget annuel de 1,5 milliard de dirhams, un taux d’électrification rurale de 56% en 2002 et de 69% en 2004.

Evolution du taux d’électrification rurale Quant à l’électrification par système photovoltaï que, 4.500 foyers ont été servis (1.500 à Bijaad et 3.000 dans la zone de Taroudant) et 4.000 foyers sont en cours d’élect rification pour un montant global de 45 millions de dirhams.

Malgré les difficultés rencontrées, notamment au niveau du recouvrement des créances et du suivi d’abonnement, le PERG demeure une grande réussite. Son rythme devrait même être accéléré avec le lancement d’un nouveau programme d’électrification pour 3.846 millions de dirhams destiné à 317.470 foyers dont le coût d’accès à ce service est inférieur à 14.000 dirhams). Les délais de généralisation de l’électrification seront ramenés en conséquence à l’horizon 2006 au lieu de 2010.

5. La stratégie de lutte contre l’habitat insalubre

Le fléau de l’habitat insalubre dans le milieu urbain n’a cessé de s’aggraver,

notamment en relation avec l’exode rural, corollaire à la fréquence des sécheresses. Le nombre de ménages résidant dans deux principales formes d’habitat insalubre, à savoir les bidonvilles et l’habitat non réglementaire, est estimé actuellement à 780.000, soit 4 millions de personnes formant 23,5% des ménages urbains.

Suite au discours royal du 20 août 2001 qui a accordé une grande priorité à la lutte  contre ce fléau, le Département de l’Habitat a élaboré une stratégie de résorption de l’habitat insalubre sur une période de 10 ans.

5.1. Les fondements de la stratégie

La stratégie de lutte contre l'habitat insalubre se traduit par un programme national de résorption de l'habitat insalubre d'une enveloppe de 28,86 milliards de dirhams qui concerne 629.784 ménages, sachant que les actions publiques en cours de réalisation concernent les 151.131 ménages restants.

Le financement de ce programme sera assuré par la participation des bénéficiaires (12,67 milliards de dirhams), les subventions publiques (13,52 milliards de dirhams) et le crédit au profit du programme d’habitat social (2,67 milliards de dirhams).

La mobilisation annuelle des subventions se fera à partir du Fonds de Solidarité de l’Habitat (600 millions de dirhams), de l’Agence Hassan II pour le Développement Economique et Social (400 millions de dirhams), du Budget Spécial des Provinces du Sud (100 millions de dirhams) et des contributions des Collectivités Locales (250 millions de dirhams).

5.2. Le programme physique

Le programme de lutte contre l’habitat insalubre s'étale sur une période de 10 ans à partir de janvier 2002. Les actions programmées sont constituées d’opérations de restructuration, de programmes de lotissements de résorption et de projets de logements de résorption :

•D'une enveloppe de 17,93 milliards de dirhams, les opérations de restructuration ont pour objectif de doter en équipement d'infrastructures nécessaires les quartiers d'habitat non réglementaire, ainsi que les grands et moyens bidonvilles pouvant être intégrés au tissu urbain et régulariser leur situation urbanistique et foncière. Cette intervention intéresse 470.140 ménages.

•Le programme de lotissements de résorption, qui nécessite un budget de 4,72 milliards de dirhams, concerne les ménages des petits bidonvilles et ceux ne pouvant être intégrés au tissu urbain. Il permettra à ces ménages l'accès à la propriété de lots d'habitat social à valoriser en auto-construction assistée dans le cadre de lotissements à équipement préalable ou progressif, et portera sur l'aménagement de près de 2.500 ha en 94.392 lots.

•Les projets de logements de résorption, qui mobiliseront 6,21 milliards de dirhams, doivent aider les ménages non touchés par les deux précédentes formes d'intervention et les ménages concernés par la dédensification liée à la restructuration, à accéder au logement social notamment à travers la formule de location-vente. Ce programme vise la construction de 65.252 logements sociaux.

5.3. Le cadre juridique

Le programme physique s'appuiera sur un cadre juridique et institutionnel, en cours de finalisation, qui instituera deux instruments : les périmètres d'habitat insalubre et les périmètres destinés à leur résorption.

Le projet de loi s’articule autour des axes suivants :

•la création des périmètres d'habitat insalubre s'accompagnera du recensement des ménages concernés, de mesures administratives préventives pour circonscrire la prolifération de l'habitat insalubre, ainsi que de la création d'un comité local de veille et de suivi.

•l'élaboration des Plans Locaux d'Habitat et de Développement Urbain pour des agglomérations urbaines de plus de 50.000 habitants. Ces plans constituent une base de programmation pour les interventions publiques de lutte contre l'habitat insalubre et des programmes à caractère préventif dans un cadre conventionnel entre l'Etat, les collectivités locales et les intervenants des secteurs public et privé.

•les mesures d'encouragement au profit des programmes de résorption de l'habitat insalubre et d'aides aux ménages concernés seront financées par le Fonds de Solidarité Habitat.

•la création de comptes spéciaux locaux de lutte contre l'habitat insalubre permettra aux, collectivités locales de financer les opérations relevant de leurs attributions dans ce domaine.

•l'institution d'une amnistie urbanistique pendant une durée de cinq ans pour le redressement de la situation actuelle des quartiers selon les conditions déterminées prévoyant le paiement d'une indemnité libératoire au profit des comptes spéciaux locaux de lutte contre l'habitat insalubre.

•la révision des dispositions juridiques relatives aux sanctions et l'élargissement de leurs champs d'application en vue de couvrir les transactions immobilières dans les quartiers d'habitat insalubre où la vente et la location ne pourront plus s’effectuer en dehors de la procédure de la régularisation urbanistique.

Deuxième partie : La problématique de l’emploi

Le marché du travail subit depuis quelques années des transformations sous l’effet de facteurs démographiques, économiques et de comportement. Le taux d’activité et la structure de la population active ont été modifiés par la croissance de la population et la participation plus marquée de la femme à la vie active.

Cependant, le ralentissement de la croissance économique n’a pas permis une création suffisante d’emplois. Le taux de chômage a alors connu une hausse importante, particulièrement en milieu urbain.

Le chômage constitue, avec la pauvreté, un défi majeur du développement

économique et social. Ce fléau risque d’être aggravé à l’avenir par une pression croissante de la population active sur le marché du travail.

Cette deuxième partie du rapport sur les politiques sociales est consacrée à la

problématique de l’emploi. Le premier chapitre comporte tout d’abord une caractérisation de la population active occupée selon l’âge, le niveau de formation ou les catégories socioprofessionnelles. Ces analyses portent essentiellement sur le milieu urbain dont les séries

statistiques sont longues, alors que les statistiques sur l’emploi rural ne sont annuelles que depuis 1999.

L’évolution du chômage est ensuite analysée pour les différentes catégories de

population active et fait ressortir celles qui sont le plus exposées à ce fléau. La caractérisation du chômage est en effet indispensable pour l’élaboration de politiques de promotion de l’emploi appropriées.

L’emploi est également étudié dans sa relation avec la croissance de chaque branche d’activité économique. Ceci permet de mettre en évidence les secteurs qui contribuent le plus à la création d’emploi et qui devraient donc faire l’objet de me sures d’encouragement.

Les mesures directes de promotion de l’emploi sont présentées dans le deuxième chapitre de cette partie. Ces mesures sont articulées autour de la formation des ressources  humaines et de l’encouragement de l’auto-emploi.

Le troisième chapitre, enfin, est consacré à la présentation des politiques européennes réussies dans le domaine de réduction du chômage. Celle-ci permet de dégager les enseignements pour l’élaboration de nouvelles mesures de promotion de l’emploi.

6. La situation de l’emploi

6.1. Caractérisation de l’emploi

Les forts taux de croissance démographiques enregistrés dans le passé ont entraîné une croissance de la population active de 5,3% l’an en moyenne entre 1995 et 1999. Cette

tendance s’est ensuite inversée. La population active est en baisse depuis 1999 de 0,9% par an moyenne et le taux d’activité est passé de 54,4% à 51,3% entre 1999 et 2001.

Cette régression, en partie due au ralentissement de la croissance économique, est davantage marqué parmi la population fé minine au niveau national dont l’activité recule de près de 7% par après une progression annuelle moyenne de 15,5% entre 1995 et 1999.

Le milieu rural est également plus concerné par la baisse de l’activité qui touche tant les hommes que les femmes, alors qu’en milieu urbain seule l’activité féminine a baissé.

Si l’on tient compte des projections démographiques du Centre d’Etudes et de

Recherche Démographiques, la population d’âge actif devra connaître une forte augmentation au cours des vingt prochaines années, ce qui pourrait se traduire par une forte pression sur le marché du travail.

Baisse de l’emploi des jeunes de moins de 15 ans et augmentation de celui des femmes A travers l’analyse des caractéristiques de la population active occupée, il ressort que, au niveau national, près de 49% sont des personnes âgées de 25 à 44 ans en 2001. La part des jeunes de moins de 15 ans a baissé de 7,7% en 1982 à 5,1% en 2001, particulièrement pour les filles (16,2% en 1982, 7% en 2001) grâce aux efforts de scolarisation des enfants et de lutte

contre le travail des mineurs. Cependant, si les moins de 15 ans ne représentent que 1% de la population active occupée en milieu urbain en 2001, ils constituent encore 7% en milieu rural.

La participation de la femme à l’emploi s’est élevée de 19,1% en 1994 à 26% en 2001 suite à l’augmentation du taux de féminité de l’emploi en milieu rural de 15,7% à 30,2%. En milieu urbain, ce taux a baissé de 22,6% à 21,1% au cours de cette période. Niveau de formation relativement faible

La population active occupée reste, dans l’ensemble, peu qualifiée: 55,3% des

travailleurs n’ont pas de diplôme en milieu urbain en 2000 et seulement 15,5% sont diplômés des études supérieures. Une amélioration est notée toutefois puisque la part des travailleurs sans diplôme atteignait 63,8% en 1990. Au niveau du secteur de l’industrie manufacturière

28% des travailleurs étaient analphabètes en 1999.

La part des techniciens a progressé entre 1990 et 2000 de 4% à 7,6%, celle des

travailleurs de « niveau moyen »25 de 23,2% à 28,8% et celle des titulaires d’un diplôme d’études supérieures26 de 13% à 16%.

Les différents programmes et réformes du système de formation devraient améliorer cette situation et rehausser le niveau de qualification de l’emploi.

Prépondérance du salariat en milieu urbain

La répartition de la population active occupée par statut socioprofessionnel en

décembre 2000 en milieu urbain montre une prédominance du salariat (61,1%) et des indépendants (24,3%). La part du salariat a cependant enregistré une baisse sensible pour les femmes entre 1994 (79,5%) et 2000 (73,5%).

Les trois principales catégories professionnelles sont celles des artisans (28,3% en 2000), des manoeuvres non agricoles (22,3%) et des employés (14,9%). La distribution sel on les professions a enregistré des changements entre 1994 et 2000 :

•La part des cadres supérieurs et membres des professions libérales a baissé de 4,5% à 2,6% ;

•Les artisans et ouvriers qualifiés des métiers artisanaux ne représentent que 28,3% de la population active urbaine occupée en 2000 contre 32,4% en 1994 ;

 Correspond aux titulaires de diplômes et certificats de l’enseignement fondamental et des diplômes d’aptitude ou de qualification professionnelle.

Correspond aux titulaires du baccalauréat, de l’enseignement supérieur, ainsi que les techniciens et cadres moyens.


•La catégorie des manoeuvres non agricoles et travailleurs des petits métiers a augmenté de 14,6% à 22,3%. Cette hausse a été plus importante pour les hommes (de 12% à 20,9%) que pour les femmes (de 23,5% à 27%).

Le sous emploi en milieu rural

En milieu rural, la catégorie des aides familiales et apprentis regroupe 50,5% de la population active occupée. Cette proportion est de 80,6% pour les femmes et de 37,5% pour les hommes.

Le salariat ne représente que 18% de l’emploi rural qui est donc peu rémunéré. Cette situation explique en partie la forte vulnérabilité des populations rurales à la pauvreté.

Evolution de l’emploi selon les branches d’activité

La répartition de la population occupée en milieu urbain par branche d’activité

économique montre une baisse de la part de l’industrie de 6 points entre 1990 et 2001 pour se situer à 22%. Les secteurs des services 27 et du bâtiment et travaux publics ont vu leurs parts respectives passer de 49,2% à 53,3% et de 7,1% à 8,7%. Les effectifs employés dans le secteur du commerce de gros et de détail ont en effet augmenté de 2,4% par an sur la période 1995-2001, et ceux du BTP de 3%.

6.2. Le chômage

Du fait du ralentissement de la croissance économique au cours des dernières années, le taux de chômage a enregistré une hausse notable, particulièrement en milieu urbain.

En effet, le chômage national a augmenté de 15,1% en moyenne entre 1985 et 1990 à 18,8% entre 1991 et 1999, avec des taux de croissance de la population au chômage de 2,5% et 7,6% par an respectivement au cours de ces périodes.

Cette tendance s’explique par le ralentissement de la croissance des activités non agricoles par rapport à la deuxième moitié des années 80 qui a créé un déséquilibre entre l’offre et la demande d’emploi. Entre 1991 et 1999, l’emploi n’a progressé que de 2,7% par an, alors que sous l’effet de la croissance démographique passée et de l’exode rural, la population active urbaine s’est accrue de 3,6% par an.

L’effectif des chômeurs s’est ainsi accrû de 5% en moyenne par an entre 1995 et 1999 où il a atteint un pic de 1,43 millions de personnes, soit un taux de chômage de 22% contre 17,5% en 1991.

Cette évolution a cependant tendance à s’infléchir, puisqu’au niveau nationa l le taux de chômage a baissé de 13,9% en 1999 à 12,5% en 2001.

Services, Commerce de gros et de détail, Transports, entrepôts et communications.

Evolution du taux de chômage selon le milieu de résidence

Le recul du chômage est en rapport avec la baisse du taux d’activité. Ainsi, en milieu

urbain, le taux d’activité en milieu urbain a baissé de 48,1% en 1999 à 46% en 2001. Le recul a été plus significatif chez les femmes (-2,7 point) que chez les hommes (-1,1 point).


Les femmes et les jeunes plus vulnérables au chômage

L’analyse par sexe de la population urbaine en chômage révèle que durant la décennie 90, la population féminine a enregistré un taux de chômage moyen de 25% contre 16% pour les hommes, même si ces derniers constituent 66,3% des chômeurs en milieu urbain du fait de leur taux d’activité plus important.

En 2000 et 2001, le recul du chômage urbain a été plus important chez les femmes (- 7,6 points entre 1999 et 2001) que chez les hommes (-2,3 points), malgré une perte de plus de 155.000 emplois féminin due à un retrait massif des femmes du marché du travail qui n’offre pas de conditions prometteuses. Cette baisse est liée au recul de l’activité féminine.

Concernant le chômage par tranche d’âge, les catégories les plus affectées sont celles de 15-24 ans et de 25-44 ans, avec des taux moyens respectifs de 33,2% et 17,2% durant la période 1990-2001.

Entre 1990 et 1997 (à l’exception des années 94-95)28, les niveaux de chômage enregistrés ont relativement stagné autour d’une moyenne de 31% pour la première tranche contre 15,2% pour la deuxième tranche.

A partir de 1997, le taux de chômage des 15-24 ans s’est aggravé de près de 8 points pour se situer à 35,5% au terme de l’année 2001. Celui de la catégorie de 25-44 ans est passé de 16,4% à 19,7% au cours de cette période.

Les diplômés, plus exposés au chômage

Outre le ralentissement de la croissance économique qui a induit une forte progression du taux de chômage, l’inadéquation entre le système de formation et les exigences du marché du travail a exposé davantage les diplômés. En effet, ceux ci enregistrent un taux de chômage de 26,8% au terme de l’année 2001 contre 11,8% pour les non diplômés.

6.3. La croissance économique et l’emploi

6.3.1. La corrélation entre la croissance et l’emploi

L’examen des données de l’économie marocaine révèle l’existence d’une corrélation positive entre la croissance économique et l’emploi.

Les données du tableau ci-dessous montrent que les branches économiques qui

enregistrent une croissance forte sont celles qui contribuent le plus à la création d’emplois. En effet, durant la période 1983-1990, la création d’emplois est principalement tirée par les industries manufacturières (24,8% du total des emplois créés), le commerce (27,5%) et les services (57%) dont les valeurs ajoutées se sont accrues respectivement de 4,5%, 3,8% et 3,2% l’an.

Entre 1991-1999, l’emploi industriel n’a cru que de 2,4% par an en moyenne en raison du ralentissement de la croissance des activités productives marchandes non agricoles. Le recul de cette croissance a entraîné celles de l’emploi, principalement dans le secteur du textile et cuir (+3,1% par an) qui concentre près de la moitié des créations d’emplois au cours de cette période, et dans l’agroalimentaire en raison de la successions d’années de sécheresse

(0,6% par an en moyenne). En conséquence, la composante en emplois de la croissance industrielle a baissé de 5.480 entre 1982 et 1989 à 3.040 entre 1990 et 1999.

L’analyse de l’évolution des données de l’emploi et de la croissance montre que les forts taux de croissance de l’emploi entre 1983 et 1990 sont intervenus dans les branches industrielles qui emploient une main d’oeuvre peu qualifiée et dont les taux d’encadrement sont les plus faibles. Ces augmentations d’effectifs se sont donc traduites par une baisse de la productivité apparente durant les périodes de croissance de l’emploi.

Pour la période 1991-1999, les créations d’emplois en milieu urbain ont été tirées notamment par les services29 et le commerce. En effet, la valeur ajoutée du secteur du commerce s’est accrue de 2,4% l’an et a généré 21,8% des nouveaux emplois. Quant aux services, leur valeur ajoutée s’est développée de 3,1% l’an et ils ont contribué à la création de près de 30.000 emplois en moyenne par an dans le milieu urbain soit 30,6% des emplois générés par l’ensemble des secteurs durant la même période.

Le facteur travail est le principal déterminant de la croissance économique au Maroc, avec une part de près de 79% sur la période 1982-2000. Sa contribution à la croissance économique a reculé de 1,8 point du PIB, passant de 3,5 points du PIB durant la décennie 80 à 1,7 points pendant les années 90. Ce repli s’explique par le ralentissement de la croissance mais aussi par la substitution du capital au travail au cours de la décennie 90.

Entre 1982 et 1990, le développement des branches intensives en main d’oeuvre et la baisse du chômage ont accru la contribution du facteur travail à la croissance économique.

A partir de 1991, la baisse sensible de la contribution de l’emploi entre les deux décennies de 3,5 points à 1,7 point est due en grande partie à la conjoncture nationale et internationale défavorable qui a marqué les années 90 et à la hausse importante du chômage au cours de cette période.

6.3.2. Quelle croissance pour réduire le chômage ?

Les actions et les mesures prises dans le domaine de la promotion de l’emploi ont permis d’infléchir, ces dernières années, la tendance du taux de chômage. Cependant, le résultat enregistré à fin 2001 (12,5%) n’a pas encore permis de revenir au niveau déjà réalisé en 1991 (12,1%). Comme cela a été avancé auparavant, les performances en matière de croissance ont été largement responsables des niveaux insuffisants de création d’emplois.

Pour évaluer le sentier du chômage d’ici 2006, deux scénarii ont été élaborés. Ces derniers tiennent compte de la progression de la population active de 2,7% l’an, d’un contenu en emploi de la croissance similaire à celui observé au cours de la décennie 90 et de l’absence de changement notable au niveau de la productivité du travail.

Les deux scénarii ont été basés sur une croissance réelle moyenne, pour 2003-2006, de 5% pour le scénario optimiste et 3,6% pour celui tendanciel.

Le scénario optimiste se traduirait, toutes choses égales par ailleurs, par un taux de chômage de l’ordre de 8,5% à fin 2006. Quant au scénario tendanciel, il permettrait au mieux de stabiliser le taux de chômage autour de 12%.

 Services =Réparation + Restauration et hôtellerie + Services fournis aux entreprises + Services personnels et domestiques + Services sociaux fournis à la collectivité + Transports, entrepôts et communications.

Croissance (scénario optimiste)

Il faut également rappeler que les hypothèses de ces simulations ne tiennent pas

compte des changements probables dans la structure de la population active. Ces changements peuvent provenir d’une participation accrue des femmes à l’emploi, particulièrement en milieu urbain, et qui peut impliquer des pressions supplémentaires sur le marché du travail.

De plus, si le milieu rural ne fa it pas l’objet d’une politique de développement

intensive, l’exode rural renforcera davantage le stock des demandeurs d’emplois en milieu urbain.

Cet exercice de simulation ne met pas en évidence la qualité de croissance et de ses sources et donc des types d’emplois qui seraient créés. En raison de l’importance du chômage urbain, particulièrement celui des diplômés, la croissance économique ne suffit pas à la création d’un nombre suffisants d’emplois pour réduire de manière significative le chômage.

Il faudrait que la réalisation des niveaux de croissance souhaités soit adossée à une politique d’emploi volontariste, clairement définie et visant à rendre opérationnels les dispositifs et instruments en vigueur, directs, indirects, institutionnels ou autres.

En effet, pour dépasser les distorsions et insuffisances actuelles, la politique à mener en matière d’emploi devrait être relayée par une formation efficiente, par l’organisation du marché du travail et par la mise en oeuvre d’une législation de travail ga rantissant la flexibilité nécessaire et sauvegardant les intérêts légitimes des différents acteurs sociaux.

7. Les mesures nationales de promotion de l’emploi

Pour lutter contre le chômage, l’action des pouvoirs publics s’est plus inscrite dans la création d’un environnement favorable à la croissance et aux investissements générateurs d’emplois.

Afin d’exercer un effet de levier sur l’investissement privé, l’Etat a mis en oeuvre un chantier de réformes visant à garantir les conditions nécessaires à la crois sance. Il a renforcé ses dépenses d’investissement de 3,5% du PIB en 1997 à 5% en 2001. Ces dépenses sont essentiellement orientées vers les infrastructures à caractère économique et social.

L’effort d’investissement de l’Etat a été consolidé par les dépenses du Fonds Hassan II pour le développement économique et social. Alimenté par une partie des recettes de privatisation, il finance d’importants projets économiques (zones industrielles, pôles touristiques, habitat social, irrigation…). Ceci ramène le montant global de l’investissement

public à 7% du PIB en 2001. Les entreprises publiques ont quant à elles réalisé un investissement de 25 milliards de dirhams en 2001, soit 8% du PIB.

L'Etat a également réduit le déficit budgétaire, ce qui contribue à dégager des

ressources supplémentaires au profit du financement du secteur privé et favorise la détente des taux d’intérêts.

Toutefois, l’expansion de l’investissement public reste limitée. Le secteur privé constitue une source importante de créations d’emplois qui mérite d’être développée.
Outre les mesures budgétaires, les réformes entreprises pour la promotion de

l’investissement privé sont articulées autour de :

•l’amélioration du cadre juridique et institutionnel des investissements,

•la mise en oeuvre d e mesures fiscales incitatives,

•l’amélioration des conditions de financement des investissements et de la mise à niveau des entreprises.

Malgré la mise en oeuvre de ces réformes, le chômage reste élevé, particulièrement en milieu urbain. Le chômage est en effet multidimensionnel et résulte non seulement d’une croissance insuffisante, mais également d’un manque d’adéquation entre les formations et les besoins du marché du travail, ainsi que des dysfonctionnements de ce marché.

Les pouvoirs publics ont mis en place diverses mesures directes de promotion de l’emploi. Il s’agit essentiellement de la formation des ressources humaines, de l’encouragement à l’auto-emploi et de la régulation du marché du travail.

7.1. La formation des ressources humaines

Le très faible niveau de formation des travailleurs constitue un frein au

développement, à la compétitivité et donc à la croissance et l’emploi. L’amélioration de la formation des ressources humaines s’est donc imposée, à travers la mise en place de la Charte

d’Education/Formation en 2000 dont l’impact bénéfique ne sera sensible qu’à long terme sur le marché de l’emploi. D’autres mesures de valorisation des ressources humaines à « effets directs » et à court terme ont été mises en place.

Le programme formation – insertion

Le programme d’adaptation de l’offre d’emploi à la demande du marché entre profils qualifiés a été mis en place en 1993 et redynamisé en 1997. Il consiste en une formation de 18 mois visant l’insertion du stagiaire dans l’entreprise. La convention entre le candidat au travail, l’employeur et un organisme de formation prévoit la prise en charge par l’Etat de la formation et de la moitié de l’indemnité mensuelle du stagiaire pendant son stage.

Cette mesure de promotion de l’emploi a bénéficié d’une dotation budgétaire de 1.710 millions de dirhams entre 1997/98 et 2001 et visé l’insertion de 25.000 jeunes par an. Depuis son lancement et jusqu’à la fin de l’année 2000, seuls 12.600 recrutements ont été effectués sur la base de ce programme pour une dépense de 656 millions de dirhams.

Le programme de formation alternée

Ce type de formation a concerné 9.600 stagiaires en 1999/2000 et 13.500 en

2000/2001 dans le cadre des contrats spéciaux de formation. Ce programme a été étendu au  bénéfice des diplômés universitaires : 1.591 licenciés ont suivi ce programme et un autre a été lancé dans le domaine des Nouvelles Technologies de l’Information et concerne 240 titulaires

d’un diplôme de troisième cycle et 460 licenciés.

Toutes les mesures lancées par les pouvo irs publics et qui concernent les différents types de formation sont gérées par l’O.F.P.P.T. soit directement, soit en coopération avec des centres de formation agréés par l’Etat.

La formation par apprentissage

Dans le secteur artisanal, le système d’apprentissage par les artisans devrait permettre l’insertion professionnelle de 40.000 jeunes à l’horizon 2009. Depuis l’année 2000, le programme touche 5.500 jeunes pour un montant de 34 millions de dirhams en plus de la formation de 10.000 stagiaires financée par le Fonds Hassan II pour le développement Economique et Social pour un montant de 70 millions de dirhams.

7.2. Les mesures d’encouragement à l’auto-emploi

Assistance technique et financière

En 1988, les pouvoirs publics ont mis en place un Système de Prêts de soutien aux jeunes promoteurs qui consiste en le financement conjoint entre l’Etat et un organisme bancaire des crédits de créations d’entreprises, et la simplification des procédures d’obtention et de garantie de ces crédits.

Ce système comporte trois composantes selon le niveau de formation des promoteurs, et est financé par le Fonds pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes créé en 1994 :

•Le Crédit Jeunes Promoteurs vise l’insertion économique des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur. Ce programme a bénéficié à plus de 11.000 promoteurs depuis son lancement pour un montant global d’investissement de 5,5 milliards de dirhams et la création de près de 43.000 emplois, dont près de 80% dans le secteur tertiaire. Le financement de la part de l’Etat dans ce système se fait à travers le Fonds de Soutien à

certains entrepreneurs, créé en 1988 et alimenté à travers l’émission d’emprunts obligataires auprès des établissements de crédit.

•Le Crédit Jeunes Entrepreneurs concerne les diplômés de la formation professionnelle.

Depuis son lancement en 1995, il a bénéficié à 539 promoteurs qui ont réalisé uinvestissement total de 276,4 millions de dirhams et créé 2.500 emplois.

•Le Programme d’Appui à l’Auto -Emploi s’adresse aux jeunes promoteurs ne remplissant pas les conditions de formation requises pour les systèmes précédents mais qui disposent d’une expérience professionnelle. Depuis l’année 2000, 658 promoteurs en ont profité pour réaliser un investissement de 116 millions de dirhams et créer 2.300 emplois. L’Etat a également mis en place des pépinières d’entreprises qui accordent des avantages

fonciers et administratifs pour le démarrage des activités des jeunes entrepreneurs.

Ces deux derniers programmes sont financés par le Fonds pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes créé en 1994 et doté d’une enveloppe d’un milliard de dirhams.

Le micro crédit

Le système du micro- crédit a été institué en 1996 sur l’initiatives d’ONG pour assurer l’insertion économique des personnes économiquement faibles. Ce système est régi par une loi promulguée en 1999 qui délimite son champ d’action aux activités productives pour des montants plafonnés à 50.000 dirhams. Le micro crédit a connu un véritable essor : de 90.000

prêts totalisant 90 millions de dirha ms en 2000, il est passé à 150.000 pour une somme globale de 200 millions de dirhams en 2001, ciblant essentiellement des femmes (77%) et le milieu rural et périurbain (57%). A travers le Fonds Hassan II pour le développement économique et social, l’Etat a financé ce programme à hauteur de 100 millions de dirhams en 2001.

7.3. L’emploi dans le secteur public

Les administrations publiques emploient plus de 10% de la population active urbaine occupée en 2001, et s’adresse particulièrement aux diplômés de l’enseignement supérieur.

Les pouvoirs publics engagent certaines mesures ponctuelles pour résorber le chômage d’une catégorie particulière de la population active. La promotion nationale, à travers des investissements en infrastructures de base intensives en main d’oeuvre, permet de fournir des emplois peu qualifiés, particulièrement en milieu rural.

En 2001, les Ministères de l’Emploi et de l’Agriculture se sont engagés à insérer 100 lauréats de l’enseignement agricole supérieur à travers l’encouragement à l’investissement et l’exploitation de domaines agricoles de l’Etat ou de sociétés de services agricoles.

Quant à l’Agence de Développement Social, elle aura un impact positif dans le

domaine de l’emploi dans les zones les plus défavorisées, particulièrement grâce au partenariat avec les secteurs privé et associatif et au financement de travaux d’utilité collective.

7.4. La régulation du marché du travail

L’Agence Nationale de Promotion de l’Emploi et des Compétences a été créée pour organiser le marché de l’emploi et mettre en oeuvre des programmes de promotion de l’emploi qualifié. Les principales missions de cette Agence sont la mise en relation de l’offre et de la demande d’emploi, l’information et l’orientation des demandeurs d’emplois et des jeunes entrepreneurs, ou encore la mise en place des programmes d’adaptation professionnelle et de formation- insertion dans la vie active, en liaison avec les employeurs et les établissements de formation. L’Agence devra coordonner l’ensemble des actions de promotion de l’emploi mises en place telles que les programmes action-emploi, l’auto-emploi…

Cet organisme est également chargé de la création d’emplois d’utilité sociale, de l’octroi de crédits de formation complémentaire et de l’accompagnement des créateurs d’emplois indépendants.

Pour atteindre ses objectifs, l’ANAPEC a développé un réseau de 24 antennes locales (précédemment les Centres d’Information et d’Orientation pour l’Emploi ou CIOPE) qui couvrent 14 régions. Pour les zones où l’activité économique ne justifie pas la création d’une agence, l’ANAPEC a proposé des partenariats aux collectivités territoriales, associations professionnelles et aux ONG locales pour mettre en place des espaces emplois Près de 6.000 jeunes diplômés ont été insérés dans le marché du travail en 2001 par l’ANAPEC qui ambitionne de meilleures performances pour l’année 2002.

8. Les politiques réussies de réduction du chômage en Europe

Au cours des années quatre-vingt-dix, la réduction du chômage a constitué un des principaux objectifs des politiques économiques mises en oeuvre par les pays européens.

L’évaluation des performances européennes enregistrées dans ce domaine montrent que les pays qui ont réussi à faire baisser le taux de chômage ont mis en place une stratégie cohérente de l’emploi basée sur la combinaison d’une politique macro-économique favorable à la croissance et de politiques sociale et de l’emploi qui améliorent la compétitivité du travail.

8.1. La politique macro-économique

Pour relancer l’activité économique, les pays ont mis en oeuvre des politiques macro - économiques cohérentes. Trois types de politiques macro-économiques sont distinguées :

•un policy-mix qui combine une politique monétaire expansionniste et une politique budgétaire modérément restrictive (Irlande et Grande-Bretagne), accompagnées de l’amélioration de l’attractivité des investissements directs étrangers par la mise en place d’un cadre fiscal favorable et d’une politique de promotion des exportations par la stabilisation du taux de change.

•un policy-mix qui fait appel à une politique monétaire accommodante et à une politique budgétaire modérément restrictive (Pays-Bas, Norvège et France), appuyées par une politique de promotion des exportations par la stabilisation du taux de change et de réduction des prélèvements fiscaux sur les salaires pour favoriser la demande intérieure (France et Pays-Bas).

•un policy-mix qui associe une politique monétaire souple et une politique budgétaire expansionniste30 (Danemark) à une politique de stabilisation du taux de change.

8.2. La politique de l’emploi

Les politiques actives de l’emploi mises en oeuvre en Europe ont favorisé le

développement de la flexibilité du marché du travail. Dans ce cadre, trois situations se distinguent :

•une flexibilité accrue du marché du travail associée à une faible coordination desn négociations collectives (Grande-Bretagne). Elle a été accompagnée, en plus de la libéralisation des salaires, d’une distribution d’aides directes en faveur des travailleurs à bas salaires et d’un renforcement de la protection sociale.

•une flexibilité de la législation du marché de l’emploi associée à une forte coordination des négociations collectives au niveau central (Irlande, France, Norvège et Danemark).

Elle a été accompagnée d’une distribution des allocations sociales au profit des salariés faiblement rémunérés et de l’introduction d’un salaire minimum (Irlande), et d’un accompagnement individuel des chômeurs (France et Danemark).

 Le déficit budgétaire a dépassé 3% du PIB.
•une flexibilité à l’entrée du marché du travail jointe à une restr iction des licenciements individuels et à une forte coordination des négociations collectives au niveau central (Pays-Bas).

Dans les trois cas, une flexibilité à l’entrée du marché du travail a été mise en oeuvre, à travers la réduction du temps du travail et l’introduction des contrats à durée déterminée, des congés à longue durée, du travail à temps partiel et du travail intérimaire. En plus, les programmes de formation professionnelle ont été renforcés en vue d’assurer une meilleure adéquation des qualifications aux besoins du marché de l’emploi.

8.3. La politique sociale

Les politiques sociales suivies ont tenu compte de la nécessité d’améliorer la

compétitivité de l’économie nationale et ont favorisé :

•la généralisation de la modération salariale avec la réduction des prélèvements obligatoires sur les salaires, l’amélioration des prestations d’assurance maladie et d’invalidité, et le renforcement de la protection sociale,

•l’incitation des chômeurs à rechercher de l’emploi à travers la restriction de s conditions d’accès aux indemnités du chômage.

8.4. Enseignements pour le Maroc

Les différents cas de politique de réduction du chômage étudiés montrent l’intérêt d’établir une combinaison de politiques macro-économiques, sociales et d’emploi.

Il n’existe certes pas de modèle type de réduction du chômage, mais l’amélioration de la croissance est une condition nécessaire pour la promotion de l’emploi. L’adoption d’un policy-mix cohérent et réactif à l’évolution de la conjoncture nationale et internationa le permet de soutenir la croissance économique et d’améliorer l’attractivité des investissements directs étrangers.

Les politiques de l’emploi à mettre en oeuvre doivent favoriser la compétitivité et garantir la paix sociale dans le but de préserver les emplois. D’autre part, l’adoption d’une certaine flexibilité à l’entrée du marché du travail conditionne l’amélioration de la compétitivité et la création d’emplois.

Au Maroc, la promotion de l’emploi au cours des dernières années ne s’est pas faite dans le cadre d’une stratégie globale et intégrée. Ainsi, malgré le manque d’adéquation entre les exigences du marché du travail et les systèmes de formation, ces derniers n’ont toujours

pas subit de réforme majeure, ce qui se traduit par des dépenses supplémentaire de formation complémentaires et des périodes de chômage plus longues.

Afin de pouvoir élaborer une stratégie globale et intégrée de promotion de l’emploi, il faudrait pouvoir mieux identifier les populations au chômage et les causes de leur inactivité.

L’activation des antennes régionales de l’Agence Nationale de Promotion de l’Emploi et des Compétences devrait à terme permettre un suivi plus précis des caractéristiques de l’emploi et du chômage, afin d’apporter des ajustements à certaines mesures et mettre en oeuvre d’autres plus ciblées.

Concernant la législation du travail, le nouveau code, qui devrait prochainement être adopté au Parlement, pourrait faciliter le dialogue social et créer des emplois avec l’introduction de nouveaux types de contrats (intérim, temps partiel…).

Conclusion générale

Les politiques sociales menées ont permis d’améliorer significativement la plupart des indicateurs dans l’ensemble des domaines sociaux.

Au niveau de l’éducation, la mise en oeuvre de la Charte de l’Education/ formation va permettre de généraliser l’enseignement fondamental en 2003 et de réduire sensiblement l’analphabétisme à l’horizon 2010. La réforme concernera ensuite les autres cycles de formation pour en améliorer tant l’accès que la qualité.

Cette nouvelle politique de l’éducation exige d’importants moyens financiers de l’Etat et prévoit également l’implication progressive des collectivités locales et des ménages dans les coûts d’éducation. Sa mise en oeuvre dépendra largement de la garantie de ces moyens financiers. Pour sa part, la société civile est appelée à participer activement aux efforts d’alphabétisation et d’éducation non formelle.

Dans le domaine sanitaire, la mise en place progressive de la couverture médicale de base devrait améliorer l’accès aux soins qui est limité davantage par les coûts que par l’offre.

Cependant, le financement de ce système induirait des augmentations des charges sociales, et donc du coût du travail, ainsi que des efforts budgétaires considérables pour l’assistance médicale des démunis.

La faisabilité de ce grand chantier demeure tributaire d’une série de paramètres à fixer par les lois et décrets d’application et du consensus des différentes parties prenantes. D’autre part, l’extension de la couverture médicale induira une hausse de la demande de soins, et donc

davantage d’efforts de formation de ressources humaines et d’investissements, ainsi qu’une réforme de la gestion du secteur sanitaire public.

Pour ce qui est de l’amélioration des conditions de vie des populations rurales, qui représentent les 2/3 des pauvres au niveau national, les programmes mis en oeuvre ont eu des impacts socio-économiques très importants. La réduction des inégalités entre le milieu rural et urbain requiert, à l’avenir, une politique plus active d’accès aux services sociaux de base qui, couplée à une diversification des systèmes de production et de l’offre d’emploi, permettrait de réduire les inégalités socio-économiques.

Le développement social exige ainsi des efforts croissants des pouvoir publics,

notamment au niveau budgétaire, qui peuvent provenir d’une augmentation du budget allouée à ce secteur mais surtout d’un redéploiement de ces dépenses davantage en faveur des populations défavorisées à travers des actions mieux ciblées.

A titre d’exemple, le budget de l’Etat finance la compensation des produits de

première nécessité au profit de l’ensemble de la population. Le redéploiement de ces dépenses vers des rubriques spécifiques qui ne profitent qu’aux populations démunies augmenterait l’impact social de l’action publique

Dans le domaine de l’emploi, le Maroc doit faire face à un défi important d’autant plus que l’évolution démographique impliquera une augmentation significative de la population active et donc des pressions sur le marché du travail.

Le chômage au Maroc est multidimensionnel. Il est dû essentiellement à l’insuffisance de la croissance économique, au manque d’adéquation qualitative entre l’offre et la demande d’emploi et au dysfonctionnement du marché du travail.
La baisse du chômage ces dernières années n’a pas un caractère structurel. D’où la nécessité de mettre en place une stratégie globale de lutte contre le chômage fondée sur une meilleure connaissance des populations cibles et un suivi systématique des bénéficiaires des formations.

Les politiques européennes réussies en matière de lutte contre le chômage ont montré l’utilité de combiner des politiques macroéconomique, sociale et d’emploi appropriées et de les adapter au cas de chaque économie. Certains éléments indispensables à la réduction du chômage paraissent communs à toutes ces expériences : une croissance forte et durable, une réglementation du travail qui encourage la flexibilité et la compétitivité, et une formation adaptée.

Si les mesures adoptées au Maroc visent une amélioration de la croissance

économique et des systèmes de formation, la législation du travail en vigueur reste contraignante. Un nouveau code du travail devrait assouplir les règles d’embauche et de licenciement et diversifier les contrats de travail (introduction des contrats à durée déterminée, des contrats d’intérim…).

En plus de l’Etat, le secteur privé et la société civile sont des acteurs importants du développement social. La recherche d’un partenariat adéquat est essentielle pour compléter l’action publique.

Le développement social réalisé au cours des dernières années provient de

programmes propres à chaque secteur. Afin de capitaliser les efforts, optimiser l’utilisation des ressources et rallier le sentier d’un développement durable, il est nécessaire d’élaborer une stratégie globale de développement.

Cette stratégie devrait réunir l’ensemble des acteurs du développement et être étendue à tous les secteurs. Une meilleure coordination des investissements sociaux, par exemple, contribuerait à réduire davantage les inégalités d’accès aux infrastructures et services sociaux de base grâce à une meilleure connaissance des besoins et des potentialités.

Une évaluation précise des impacts des stratégies sectorielles sur le développement, particulièrement dans les domaines de l’emploi et de la lutte contre la pauvreté, pourrait inspirer certains axes d’une stratégie de développement intégrée.